Voir la forêt derrière les arbres
Yann Arthus-Bertrand
Yann Arthus-Bertrand est un photographe français mondialement connu, réalisateur et écologiste, qui a toujours été passionné par la nature et le monde animal. Lions, 6 milliards d’Autres – Témoins du climat, La Terre vue du Ciel, 365 jours pour réfléchir à notre terre, ou New York vu du ciel, sont autant de livres et d’expositions qui témoignent de cette démarche. Il a créé Altitude en 1991, la première agence mondiale de photographie aérienne. En 2009, il réalise le film “Home”, un film réalisé uniquement sur la base de vues aériennes, aujourd’hui vu par 400 millions de personnes.
Sa fondation GoodPlanet, reconnue d’utilité publique, œuvre à la sensibilisation et à l’éducation du public à l’environnement.
Sa mission est d’informer et d’éduquer le public à la protection de l'environnement et invite à un mode de vie respectueux à la fois de la Terre et de ses habitants. Elle encourage chaque individu à agir et propose des solutions réalistes. Pour « mettre l’écologie au cœur des consciences », elle s’appuie sur une série de programmes qu’elle ne cesse de développer et de renforcer.
Quel milieu terrestre concentre le plus grand nombre de formes de vie, rejette dans l’air que nous respirons d’incroyables quantités d’oxygène, joue un rôle essentiel dans le cycle de l’eau et dans celui du carbone, enrichit et protège les sols, pèse sur l’évolution du climat, assure directement la subsistance de centaines de millions de personnes, est la source d’une grande part de nos médicaments ?
La réponse ne nous semble pas évidente car rares sont ceux capables de voir la forêt derrière les arbres. Nombre d’entre nous n’envisagent la forêt que comme une source de matériaux et d’énergie, de nourriture et de surfaces à défricher et à cultiver. Leur disparition ne nous émeut guère. Nous devons pourtant ouvrir les yeux sur ce monde forestier, considérer le tout et non les parties. Il en va de notre survie individuelle et collective. Nous devons faire l’expérience de la forêt et l’aimer.
Ma maison est à l’orée d’une grande forêt. Chaque matin, je m’y promène. En petites foulées ou au pas du promeneur. C’est un monde de sensations qui s’offre à chacun de mes sens, où tout ce qui rappelle l’humain sembler s’effacer. Je sais pourtant que les forêts autour de Paris sont profondément marquées par la main de l’homme mais leur tranquillité et leur beauté, leur fraîcheur et leur fécondité expriment pour moi autre chose. Cet autre chose participe à mon équilibre physique et à ma santé mentale. Je crois que je ne suis pas le seul dans ce cas.
Nous venons de la forêt. C’est au milieu des arbres que l’évolution nous a doté d’une vision binoculaire et de mains aux pouces opposables. Peut-être est-ce pour cette raison que je ressens le besoin d’y retourner de temps en temps. Pour me rappeler mon humanité.
Partout la forêt est surexploitée. La moitié des forêts du monde ont disparu, remplacées par des villes et des villages, des cultures et des pâturages ou des friches. Il ne reste qu’un dixième des forêts primaires, les plus précieuse car épargnées par la main de l’homme. On a longtemps déboisé dans les pays développés et on déboise aujourd’hui à toutes les latitudes où poussent des forêts. L’Europe est le continent qui en proportion a perdu le plus de forêts –les forêts anciennes y sont même l’exception. Désormais l’Afrique et l’Amérique du Sud sont les continents qui connaissent le rythme le plus rapide de déforestation.
La destruction de forêts se poursuivra tant que nous n’aurons pas compris que des arbres vivants ont plus de valeur que des arbres abattus, que les animaux sont indispensables à l’équilibre des forêts, que l’échelle de temps des forêts est faite de siècles et de millénaires et non d’années ou de dizaines d’années. Le devenir de la Terre et de l’humanité dépend des forêts. Et la préservation des forêts dépend de nous.
Yann Arthus-Bertrand